Fortuné GANKPE (1) Jean-Daniel RAINHORN (2)
1. Département Santé/Université Senghor; 2. Maison des sciences de l'Homme, Paris
Introduction
Les
médicaments, principaux produits utilisés pour la prévention et le traitement
des maladies constituent l’un des maillons les plus importants dans la chaîne
du système de santé. Ils représentent 20 à 30% des dépenses mondiales de santé (OMS 2011).
En
2006, les pays riches ont absorbé 78,5% des dépenses globales pharmaceutiques, contre
21,5% pour les pays à revenu faible et
intermédiaire (Lu, Hernandez et al. 2011). Ceci
traduit les difficultés liées à la disponibilité et l’accès aux médicaments essentiels
pour les populations des pays en développement. Et les politiques
d’approvisionnement en médicaments génériques essentiels (MEG) sont confrontées
à l’exigence des accords GATS/AGCS et TRIPS/ADPIC (Mfuka 2002).
Le
présent rapport expose l’essentiel de l’intervention de Margaret Chan lors du
symposium trilatéral (OMS-OMC-OMPI), les principaux obstacles à l’accessibilité
des médicaments, suivi de mesures à mettre en œuvre pour favoriser la
disponibilité et l’accessibilité aux médicaments génériques essentiels (MEG) au
Bénin.
1.
Les
trois principaux challenges selon M. Chan
Chan
a axé son discours lors du symposium (deuxième d’une série de concertations
conjointes trilatérales entre l’OMS, l’OMC et l’OMPI), sur trois
principaux points.
Le
déséquilibre entre les besoins et les ressources en santé
Les
besoins en médicaments sont croissants et inversement proportionnels aux
ressources disponibles. L’ambition des gouvernements à aller vers la couverture
universelle se traduit par une augmentation des dépenses. La charge des
maladies chroniques augmentent, ce qui se traduit par un besoin croissant en
médicament. Or la crise économique de 2008 a porté un sérieux coup sur
l’économie et les programmes de santé sont confrontés à de graves déficits
financiers. Selon Chan, « la santé publique est désormais confrontée à une
augmentation des attentes et des ambitions qui vient à contre-courant, puisque
les besoins et les coûts augmentent à un moment où les fonds stagnent ou
diminuent ».
Le
difficile accès aux informations sur les brevets
La
liberté d’achat de médicaments génériques est soumise à la contrainte de
l’accord ADPIC car il faut désormais considérer la situation du pays au regard
des brevets. Or les informations sur les brevets sont complexes et très floues.
C’est pourquoi Chan appelle expressément à « favoriser l’accès à des bases
de données mondiales conviviales contenant des informations publiques sur le
statut administratif des brevets liés à la santé ».
Les
instabilités politiques, reflet des inégalités de santé.
Dans
son intervention, Chan a fait le parallèle entre les troubles qui touchent la
plupart des pays du Moyen-Orient et les inégalités en santé. Selon Chan, ces
troubles trouvent leur fondement dans l’échec des gouvernements à améliorer la
vie des gens. D’où l’importance du travail conjoint entre les trois organisations
a-t-elle dit ; car, « améliorer l’accès aux médicaments est un moyen
fondamental et réalisable d’améliorer l’équité et de répartir les avantages du
progrès plus équitablement ».
2.
Obstacles
à l’amélioration de l’accessibilité aux médicaments essentiels
Les
enjeux en matière de MEG au Bénin sont dominés par le prix face à
l’insuffisance d’une réglementation, l’assurance-qualité face au marché
illicite de faux médicaments et la réticence des prestataires dans la
prescription.
Le
coût excessif pour les communautés
Au
Bénin, la règlementation en matière de MEG n’est pas très précise sur les prix.
La Centrale d’Achat des Médicaments Essentiels (CAME) est passée à la réalité
des prix depuis 1998 (ReMed 2011). C’est
le marché qui régule les prix laissant libre cours aux dérives. Il n’est pas
aussi rare de constater que le prix des MEG dans les zones reculées est deux
fois supérieur au prix pratiqué dans les grandes villes du fait des frais de
transport. Cette situation constitue l’un des principaux obstacles à
l’accessibilité aux MEG.
Le
marché des faux médicaments
L’une
des difficultés du Bénin est le phénomène des faux médicaments. Le commerce
illicite des médicaments et leur contrefaçon se développent de façon
inquiétante avec des menaces sur la santé publique. Environs 40 % des ménages à
Cotonou ont eu recours au moins une fois au marché illicite (ABDOULAYE, CHASTANIER et al. 2006). Les faux
médicaments proviennent pour la plupart du Nigeria. Cela traduit l’insuffisance
des contrôles douaniers au niveau des
frontières.
La
faible prescription des MEG par les professionnels de santé
Les
MEG représenteraient 90% du marché national des médicaments au Bénin (Chisale and Trapsida 2006).
Cependant subsistent des disparités entre les zones rurales et les centres
urbains. En effet, la contribution des professionnels de santé dans la
consommation de MEG reste insuffisante notamment pour les zones urbaines bien
couvertes par les officines ; il y a une pharmacie pour 12000 habitants à
Cotonou contre pour 400 000 habitants dans l’Atacora (ReMed 2011). Sous
la pression des délégués médicaux, les médecins prescrivent beaucoup plus
souvent les médicaments de spécialité.
3.
Stratégie
d’amélioration de l’accessibilité aux MEG
Au
regard de tout ce qui précède, trois mesures sont possibles.
Amélioration de la
productivité locale
Le
Bénin jouit d’une certaine expérience dans la production de médicaments de par
la présence d’industries. En revanche,
la part du marché de Pharmaquick est estimé à 29% des MEG de la liste nationale
(ACAME 2011). Il
sera alors intéressant de renforcer les capacités de cette industrie et encourager
la production inclusive au détriment de l’exportation.
Régulation de la politique
des prix
Le
gouvernement malien a instauré une régulation des prix des MEG qui a amélioré leur
accès (Maïga and Williams-Jones 2010). Il
est souhaitable que le gouvernement béninois prenne exemple sur cette démarche.
Ceci passe par une mobilisation de tous les acteurs du secteur, un renforcement
des capacités de distribution de la CAME et un leadership gouvernemental accru.
Lutte contre les faux
médicaments
La
consommation de médicaments n’est pas exceptionnelle au Bénin malgré le
contexte socio-économique peu favorable. En revanche, le recours au médicament
illicite est prépondérant (ABDOULAYE, CHASTANIER et al. 2006). « Toute
insuffisance de disponibilité des médicaments, toute tarification exagérée du
recouvrement des coûts, tout relâchement dans la régulation du sous-secteur […]
ont pour conséquences la favorisation du marché illicite » (Millot 2006).
Face
à cette situation, il urge de passer à la répression. A l’endroit des
consommateurs, il faudra sensibiliser sur les méfaits des faux médicaments à
travers des canaux appropriés auxquels ont accès les populations, et en même
temps rendre disponibles et à moindre coût les MEG dans les formations
sanitaires. Ceci passe par un partenariat privé-public étroit, la promotion des
MEG auprès des prescripteurs et le contrôle de la publicité. En outre, « de
part sa problématique transfrontalière, il est nécessaire de placer la lutte
contre le marché illicite dans un cadre régional harmonisé au niveau des
organisations économiques et monétaires régionales d’Afrique de l’Ouest (UEMOA) »
(Millot 2006).
Conclusion
Au
regard du droit à la santé inscrit dans la constitution du Bénin, l’accès aux
médicaments est aussi un droit. A un moment où les ressources sont très
limitées et face aux besoins croissants des MEG, la promotion de la production
locale s’avère nécessaire. Une action concertée dans une coopération
multilatérale est souhaitable pour venir à bout du fléau des faux médicaments.
Références
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