samedi 7 janvier 2012

"Gestion de l’épidémie de choléra de 2008 au Bénin"

Introduction
Il nous a été demandé dans le cadre de l’évaluation du module de cours sur la microbiologie et l’hygiène alimentaire, de décrire un cas de toxi-infection alimentaire survenu dans notre pays et la manière dont sa gestion a été faite.
Après une revue de la littérature, notre choix a été porté sur l’épidémie de choléra de 2008 au Bénin.
Qu’est-ce que le choléra ? Quelles sont les recommandations en matière d’hygiène ? Existe-t-il un plan de gestion des épidémies de choléra au Bénin ? Comment s’est-effectuée la gestion de ladite épidémie de 2008 ? Quelle évaluation en a-t-on fait ?
Voilà autant de questions auxquelles nous essaierons de répondre dans les prochaines pages.

L’épidémie de choléra au Bénin de 2008.
Le choléra est une maladie infectieuse due au Vibrio cholerae dont la contamination est essentiellement féco-orale et dont la symptomatologie est dominée par une diarrhée aqueuse avec déshydratation. Elle est dite « maladie des mains sales » et cela laisse entendre clairement que le manque d’hygiène est le principal facteur de contamination.
Selon l’OMS, on estime 120 000 décès par an dus au cholera. En Afrique, les épidémies de choléra sont devenues plus fréquentes, avec un taux de létalité élevé [1](OMS 2002). Cette situation n’épargne pas le Bénin où les épidémies sont de plus en plus fréquentes notamment dans la capitale économique Cotonou. Nous rapportons ici celle de 2008 à Cotonou pour laquelle Makoutodé et al. ont eu le mérite de publier un article là-dessus. Elle a éclaté le 24 juillet 2008 et a fait 402 malades dont un décès pour une population estimée à 830 000 habitants à prédominance féminine et très jeune (41% de moins de 15ans).
http://senghorsantenovembre2011.blogspot.com/2011/11/bienvenue-la-formation-de-novembre-2011.htmlhttp://www.usenghor-francophonie.org/L’âge médian des patients était de 23 ans avec une sex ratio de 0,8 homme pour une femme. 16,8% des malades étaient originaires des pays limitrophes : Togo, Niger, Ghana et le Nigéria. 28,4% des patients étaient des analphabètes. Les professions les plus représentées étaient respectivement les élèves et étudiants (24,8%), les ménagères (20,8%) et les commerçants et ouvriers (14,6 et 13,3%) [2](Makoutodé, Diallo et al. 2010). Cela laisse penser que les élèves et les étudiants ne maitrisent pas les règles d’hygiène.
Prise en charge des patients et lutte contre l’épidémie
Suivant les recommandations de l’OMS, le ministère de la santé du Bénin a élaboré en 2001 un plan national de lutte contre les épidémies avec pour principales orientations : le renforcement de la surveillance épidémiologique, la préparation à la riposte, la confirmation biologique et le contrôle des épidémies. La formation du personnel, l’élaboration d’un plan d’action, la création et l’approvisionnement d’un fonds spécial et la mise en place de stocks d’urgence de médicaments et de consommables sont les principaux axes stratégiques de ce plan [3].
Pour faire face à l’épidémie de choléra de 2008, une unité de prise en charge a été créée, disponible et accessible au Centre de santé d’Ayélawadjè (centre de référence de la zone sanitaire Cotonou II et III) avec les infrastructures nécessaires telles que le local d’isolement, les latrines séparées et l’incinérateur pour les déchets biomédicaux. Le protocole de diagnostic et de prise en charge était disponible, de même que les consommables et médicaments. Les patients étaient traités conformément au protocole. La désinfection des lieux, des meubles, des excrétas et vomissures avant leur élimination était assurée par le personnel. Ce dernier a été renforcé pendant l’épidémie et formé sur la prise en charge de l’épidémie. Le système de notification a permis de recenser tous les cas et de les documenter. Le laboratoire a été mis à contribution pour confirmer les échantillons : 38 prélèvements étaient positifs sur les 40 acheminés [2]. Des séances de désinfection des domiciles des patients ont été organisées avec le soutien des organisations non gouvernementales (ONG) et les agents d’hygiène du service de santé : environ 700 puits et une centaine de maisons ont été désinfectés systématiquement. Des séances éducatives ont été organisées à l’endroit de la population pour une bonne hygiène alimentaire. La participation communautaire assurée par les chefs de quartier a consisté à informer leurs administrés au cours des séances de sensibilisation sur les mesures de prévention du choléra ou à mobiliser la communauté.
 
Commentaires
Au Bénin, il existe un cadre institutionnel et un plan national pour la riposte contre les épidémies de choléra. Ce plan prévoit les directives à suivre pour faire face aux épidémies. Dans sa mise en oeuvre, elle ne rencontre pas de difficultés majeures. Le personnel est formé, les infrastructures sont disponibles ; un laboratoire national existe pour la confirmation des cas ; les matériels et consommables existent et les
ruptures de stocks sont quasi inexistants. Les médicaments sont disponibles et distribués gratuitement. Les activités de sensibilisation sont organisées à l’endroit de la population avec le concours des ONG locales. La communauté est impliquée dans la gestion de la prise en charge. Tout ceci a permis de juguler au mieux l’épidémie de 2008 avec un taux de létalité (0,25%) [2] largement au dessous du seuil tolérable selon l’OMS. Cela reflète la qualité des soins, l’accessibilité et la disponibilité.
Cependant on peut estimer que cette épidémie qui n’a touché que 402 patients, reste faible pour tester véritablement le système de riposte. De même les séances de désinfection restent insuffisantes étant donné qu’elles n’ont atteint qu’environ 100 ménages sur 830 000 habitants. La participation communautaire aux activités reste également insuffisante. La prédominance des élèves et étudiants parmi les patients demeure une préoccupation et suppose que l’enseignement donné dans les écoles, lycées et universités est déficitaire sur les règles d’hygiène. Il urge d’améliorer la qualité de l’enseignement depuis la base. Par ailleurs, une évaluation de la dernière épidémie de 2010 à l’occasion des inondations permettra de mesurer l’efficacité du système mis en place et d’y apporter les corrections nécessaires.
Il faut cependant prendre des mesures pour prévenir les épidémies par exemple l’assainissement du milieu. Les règles d’hygiène doivent être intensifiées dans les écoles dans les cantines scolaires. Des points d’eau avec savon doivent être installés dans tous les coins de l’école pour le lavage des mains. On doit apprendre aux élèves et étudiants à se laver correctement les mains. Les bonnes femmes des cantines doivent être informées sur les stratégies à mettre en ouvre pour la sécurité microbiologique des aliments : la réfrigération, la congélation des aliments, etc. des prélèvements réguliers doivent être faits pour évaluer la flore microbienne et anticiper sur les risques biologiques des aliments consommés.
 
Conclusion
Dans l’ensemble, les mécanismes de gestion des épidémies de choléra existent au Bénin et ont démontré leur efficacité dans la gestion de l’épidémie de 2008. Ceci a permis de placer le Bénin parmi les pays où les indicateurs liés au choléra sont les mieux tolérables en Afrique (létalité entre 1 et 9% [2]). Il faut cependant des actions correctrices pour maintenir le système efficace et l’adapter selon l’importance des épidémies.
Dr Fortuné GANKPE

Références
1. OMS (2002). Stratégies recommandées par l'OMS contre les maladies transmissibles - prévention et lutte. l. e. é. Département des maladies transmissibles Prévention. Genève, WHO/CDS/CPE/SMT/2001: 201.
2. Makoutodé, M., F. Diallo, et al. (2010). "La riposte à l'épidémie de choléra de 2008 à Cotonou (Bénin)." Santé Publique 22(4): 425-435.
3. Ministère de la santé du Bénin. (2000) Plan national de lutte contre les épidémies. Cotonou : MSP 2000 ;

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire